Une hausse soutenue
10 TENDANCES POUR 2023
Contrairement à ce qui était attendu, 2022 a vu les pressions inflationnaires continuer de prendre de l’ampleur autour du globe. Face à la possibilité d’une « spirale prix-salaire », les décideurs se sont empressés de réagir, haussant les taux d’intérêt à un rythme qu’on n’avait pas vu depuis les années 1970. Les répercussions dans le secteur immobilier sont importantes vu que nous pensons qu’il s’agit du début d’une nouvelle ère où l’argent a nouveau un coût. Bienvenue dans une nouvelle réalité.
En 2021, le monde éprouvait de la difficulté à s’extirper des griffes de la pandémie de COVID-19 et les prix grimpaient déjà. Une reprise plus rapide que prévu de la demande pour des biens et services coïncidait avec des chaînes d’approvisionnement ébranlées et une capacité économique réduite en raison de mises à pied et d’échecs commerciaux. Plusieurs s’attendaient à ce que l’inflation chute en 2022, avec la diminution de ces bouleversements et le remplacement de la capacité perdue, les banques centrales hésitant à hausser les taux d’intérêt en raison de la fragilité apparente de la reprise économique.
L’INFLATION A BONDI EN 2022
POURCENTAGE DES PRIX À LA CONSOMMATION
Source : Macrobond
De telles attentes se sont avérées indues. Les marchés de l’emploi sont demeurés serrés puisque de nombreux travailleurs étaient réticents à retourner à leurs emplois précédents. Certains en étaient incapables pour cause de longue maladie et d’autres ont trouvé d’autres options plus alléchantes. Nombre d’entre eux ont choisi la retraite ou une pause dans leur carrière. Les chaînes d’approvisionnement sont demeurées à l’arrêt, la Chine poursuivant sa politique « Zéro COVID-19 » reposant sur le confinement. Les coûts d’énergie ont bondi après l’invasion russe en Ukraine. Ces pressions contribuant à l’étendue de l’inflation dans toutes les sphères de l’économie, les banques centrales ont accusé un retard. La plus grande préoccupation était et demeure qu’une hausse des prix importante et prolongée causerait une exigence de salaires plus élevés, menant au type de spirale prix-salaire qui a marqué le marasme économique des années 1970. La fréquence accrue des grèves dans plusieurs pays en 2022 et au début de 2023 prouve la pertinence de telles préoccupations.
Les banques centrales ont accusé un retard marqué.
HAUSSE IMPORTANTE DES TAUX DIRECTEURS
Source : Macrobond
Résultat : les banques centrales ont fortement augmenté les taux directeurs.
Pour ces raisons, les banques centrales dans le monde ont fortement haussé les taux directeurs avec l’intention de ralentir l’économie et affaiblir les marchés de l’emploi afin de réduire la demande et limiter l’inflation. Elles sont bien au fait que cela risque de causer une récession. La Banque d’Angleterre a clairement dit que les taux élevés ont un coût pour l’économie. Cependant, ces banques s’accordent sur un point : une légère récession maintenant vaut le coût si elle nous évite une spirale inflationnaire qui demanderait un plus fort ralentissement plus tard.
De bonnes nouvelles.
La bonne nouvelle, c’est que l’inflation semble avoir atteint un pic au début de 2023 et commence à se résorber. On s’attend à ce que les indices IPC diminuent en 2023 et au début de 2024, parfois abruptement. Les taux d’intérêt devraient être augmentés encore quelque peu, probablement à un maximum de 4 % ou 5 % en Amérique du Nord et au Royaume-Uni et d’environ 3 % dans la zone euro, soit environ 400 bps de plus que leur niveau au début de 2022.
Les décideurs garderont l’œil sur les marchés de l’emploi et l’inflation de base, une mesure qui exclut la volatilité des prix de la nourriture et de l’énergie, et voudront des preuves que l’inflation globale se dirige vers le niveau cible de 2 % avant d’envisager d’abaisser les taux d’intérêt pour stimuler la croissance.
Or, pour l’immobilier, toute présomption que cela causera un retour à des taux directeurs quasi nuls s’avèrera probablement non fondée. Les marchés des propriétés ont déjà commencé à corriger ce qui sera vu comme un changement de paradigme dans la tarification pour le secteur.
Les marchés de l’emploi et l’inflation de base seront surveillés de très près.
TAUX D'INTÉRÊT DIRECTEURS RÉELS
Source: Macrobond
La conséquence de l’inflation faible et stable observée au cours des trente dernières années a été une longue tendance à la baisse des taux d’intérêt. Toutefois, même dans ce contexte, la situation des dernières années a été exceptionnelle. Si nous regardons les taux directeurs nominaux réels (taux d’intérêt moins l’inflation) à long terme, la crise financière mondiale a marqué un tournant. Avant la crise, les taux réels étaient typiquement positifs en dehors des récessions. Depuis 2008 ils ont été franchement négatifs la plupart du temps. Les longues périodes de faibles taux risquent de créer des bulles d’actifs et les banques centrales demandent la suspension de décennies de baisse soutenue des écarts de rendement vus dans les marchés obligataires et en immobilier.
Curieusement, entre 1990 et le début de 2008, le taux directeur réel de la Banque d’Angleterre n’est jamais passé sous les 2 %, inflation déduite. Si les décideurs voient la normalisation des taux d’intérêt comme un taux directeur réel positif (combiné à une inflation cible de 2 %), cela signifie des taux d’intérêt typiques hors récession de 2,5 % à 3,5 %. Cela marquerait un important écart de ce à quoi les prêteurs et investisseurs se sont habitués au cours des 15 dernières années.
Les banques centrales demandent la suspension de décennies de baisse soutenue des écarts de rendement.
INFLATION = TAUX D'INTÉRÊT
RENDEMENT DES OBLIGATIONS D'ÉTAT SUR 10 ANS
Source : Macrobond
Qu’est-ce que cela signifie pour l’immobilier ?
Les taux d’intérêt directeurs et l’inflation sont des moteurs essentiels des rendements des obligations d’État sur 10 ans, lesquels sont la référence selon laquelle la plupart des actifs d’investissements sont évalués. Beaucoup d’attention est portée à l’écart entre ces obligations et le rendement sur les investissements immobiliers. Cependant, nous croyons qu’une meilleure référence pour la propriété est le taux sur les obligations d’entreprise de notation BBB, lequel reflète le taux dit « sans risque », mais aussi le risque de défaut des entreprises, un sujet important dans le flux de revenus de la location qui renforce un investissement immobilier.
TAUX DE CAPITALIZATION VS OBLIGATIONS D'ENTREPRISES DE NOTATION SUR 10 ANS
ÉTATS-UNIS TAUX DE CAPITALISATION DE BUREAUX, CENTRE-VILLE RENDEMENT, OBLIGATIONS D’ENTREPRISES BBB, 10 ANS (DÉCALAGE 12M)
Source : RCA, Macrobond
Selon notre analyse des marchés mondiaux, les rendements des propriétés affichent une forte corrélation décalée avec les rendements d’obligations d’entreprises de notation BBB, permettant un décalage de 9 à 12 mois avant que les signaux du marché des obligations aient une incidence sur la tarification immobilière, puis sur les indices de valorisation. Ces rendements obligataires ont augmenté rapidement en 2022 pour se stabiliser vers la fin de l’année. Les rendements des obligations d’entreprises de notation BBB de la zone euro ont augmenté de 345 bps entre décembre 2021 et décembre 2022, ce qui est similaire à l’ajustement observé au R.-U. (315 bps) et aux É.-U. (307 bps).
ROYAUME-UNI RENDEMENT, TOUTES PROPRIÉTÉS
RENDEMENT, OBLIGATIONS D’ENTREPRISES BBB, 10 ANS (DÉCALAGE 9M)
Source : RCA, Macrobond
Les rendements des propriétés affichent une forte corrélation avec les rendements d’obligations d’entreprises de notation BBB.
RENDEMENTS D’OBLIGATIONS D’ENTREPRISES DE NOTATION BBB
Source : Macrobond
Pour demeurer compétitifs vis-à-vis les obligations d’entreprises et pour proposer une prime de risque suffisante comparativement aux obligations d’État, il était inévitable que les rendements sur les propriétés s’amortissent. Cela signifie, en l’absence de hausses importantes de loyer, que la valeur des propriétés chuterait. C’est cette correction qui est en cours présentement. L’effet immédiat a été une réduction marquée des volumes de transaction en grande partie parce que les vendeurs choisissent de garder leurs actifs dans l’espoir que les valeurs remonteront.
Un jour ou l’autre elles le feront, mais cela pourrait être beaucoup plus long que la patience de bien des gens. La plupart des investisseurs immobiliers commerciaux s’endettent pour financer l’achat de leur propriété. Typiquement, ils utilisent des prêts sur 3, 4 ou 5 ans, pour lesquels ils paient une marge sur le taux directeur établi par la banque centrale. Or, la hausse des taux directeurs a rapidement affecté le coût des prêts commerciaux qui, bien que disponibles en ce moment, sont de 200 à 300 bps plus dispendieux par rapport à l’an dernier, et encore plus pour les développements à haut risque ou les investissements dits « à valeur ajoutée ». Les achats faits ou refinancés dans les années qui précédaient l’augmentation de taux actuelle sont déjà prêts à être refinancés, mais à un coût beaucoup plus élevé.
Nous prévoyons moins de ventes au rabais qu’il y en a eu après la grande crise, notamment parce que les valeurs ne chuteront pas si bas et les ratios prêt-valeur typiques sont à 60 % ces temps-ci comparé aux 70 % et plus qui étaient chose commune avant la crise. Néanmoins, bien des emprunteurs feront face à des options peu attrayantes quand il sera temps de refinancer, et un flux ininterrompu de ventes de propriétés est à prévoir au cours de 2023. Cela aidera à la détermination des prix, pour faire revenir les acheteurs dans le marché avec des valeurs qui reflètent le nouvel environnement de financement et d’investissement. Selon les signes avant-coureurs, les attentes se retarifient plutôt rapidement, avec des valeurs immobilières commerciales globales ayant chuté de 20 % au Royaume-Uni au cours du second semestre de l’an dernier après un pic en juin.
Nous prévoyons moins de ventes au rabais qu’après la grande crise, mais un flux ininterrompu de ventes de propriétés est à anticiper en 2023.
LES VALEURS SE SONT AJUSTÉES RAPIDEMENT AU ROYAUME-UNI
Source : MSCI
Ce déclin est plus rapide que celui vu pendant la crise. Il faudra du temps avant qu’il ne se reflète dans les attentes des vendeurs et une augmentation des transactions complétées. Néanmoins, vu que l’inflation poursuit son déclin, les taux d’intérêt ne devraient pas dépasser les niveaux vus actuellement dans le marché. Par contre, cela devrait signifier que le ralentissement économique qui selon nous devrait caractériser les économies occidentales au premier semestre de 2023 sera douloureux, mais pas particulièrement grave. Étant donné que les investisseurs immobiliers cherchent à anticiper le tournant pour l’économie (les meilleurs investissements se font avant qu’une reprise du marché se manifeste), cela ouvre les perspectives d’un retour vers un marché plus actif au cours du second semestre de cette année.
Les meilleurs investissements se font avant qu’une reprise du marché se manifeste.
Nous estimons qu’à l’été 2023, beaucoup de capital sera déployé en vue de temps meilleurs en 2024. Nous prévoyons aussi que le capital en dollars américains jouera un rôle prépondérant dans les achats opportunistes au second semestre de 2023 puisque la valeur des devises comme la livre sterling et l’euro a chuté en 2022 par rapport au dollar US. Nous anticipons d’importantes opportunités d’acquérir des actifs immobiliers de catégorie B à divers endroits clés ou près de ceux-ci et de les réaménager en inventaire conforme aux normes ESG, bien que cela soit plus difficile vu les coûts de financement et de construction plus élevés.
Toutefois, la principale leçon à tirer, c’est que nous entrons dans une nouvelle ère pour l’investissement immobilier. Si nous voyons juste quant à la stabilisation des taux directeurs et des rendements d’obligations à des niveaux supérieurs à ceux observés à la suite de la crise, l’ajustement en cours n’est pas une déviation passagère, mais un retour à des taux d’intérêt plus normaux qui perdurera pour les prochaines années. Le plus tôt les investisseurs immobiliers s’ajusteront à cette nouvelle réalité, de gré ou de force, le plus tôt nous verrons un retour à un marché des transactions actif et sain.
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