Un nouveau souffle
10 TENDANCES POUR 2023
Malgré les défis pour décarboner l’immobilier, l’engagement envers celui-ci prend de l’ampleur. Les promoteurs, investisseurs, occupants et les gouvernements posent les bons gestes, mais les avancées sont péniblement lentes. Si beaucoup d’attention est portée sur la construction d’immeubles aussi verts que possible, la question essentielle de la rénovation de l’inventaire existant et ensuite de son exploitation efficace pour réduire la consommation énergétique nécessitera la collaboration entre les propriétaires et les occupants. L’important sera d’enchâsser les responsabilités et obligations respectives et d’équilibrer les incitatifs et le partage des avantages dans les baux « verts ».
L’immobilier constitue l’un des plus grands défis mondiaux en termes de décarbonation. En effet, selon les estimations, ce secteur cause 39 % des émissions mondiales de carbone.1 De l’extraction de matériaux, la fabrication, le transport, la construction, l’entretien, l’exploitation jusqu’à la démolition, chaque aspect de la durée de vie d’un immeuble contribue à la consommation énergétique et aux émissions de carbone. L’urgence de décarboner l’environnement bâti est reconnue dans des pays du monde entier qui se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et à atteindre des objectifs de carboneutralité. Le gouvernement Biden a annoncé une cible de réduction de 50 % des émissions de carbone pour les États-Unis d’ici 2030,2 le Royaume-Uni s’est engagé à réduire ses émissions de 78 % d’ici 2035 et le Canada réduira ses émissions de 40 % en-deçà des niveaux de 2005 pour 2023.3 Pour atteindre ces cibles, les bailleurs et les occupants devront collaborer pour verdir l’environnement bâti.
L’immobilier représente l’un des plus grands défis mondiaux en termes de décarbonations, puisque ce secteur cause environ 39 % des émissions mondiales de carbone.
La performance et l’efficacité des actifs immobiliers existants informent clairement les occupants et investisseurs des choix d’actifs qu’ils veulent posséder ou occuper, surtout à l’extrémité du marché de premier ordre.4 En plus d’aménager de nouveaux immeubles carboneutres, les bailleurs cherchent de plus en plus à rénover des immeubles existants de façon à améliorer leur performance écologique et répondre aux attentes évolutives des occupants. Alors que les institutions financières sont encore plus soucieuses de gérer et faire état de la durabilité de leurs portefeuilles et livres de prêts, ces facteurs se répandront dans le reste du marché, menant à des mesures comme des ententes de prêt liées à la performance écologique. Pour améliorer la durabilité des livres de prêts, les institutions financières peuvent ancrer les taux d’intérêt et les frais sur les prêts dans des indicateurs prédéterminés, notamment les émissions de gaz à effet de serre et les cotes d’efficacité énergétique.5 Cette pratique sera intensifiée par le resserrement des règlements gouvernementaux sur la construction et les normes de performance des immeubles que l’on prévoit ou qui est déjà en cours dans la plupart des pays.
Les bailleurs cherchent de plus en plus
à rénover des immeubles existants.
Toutefois deux défis importants assombrissent le tableau et ne peuvent être réglés par les normes de construction. Premièrement, comment gérer et défrayer la rénovation d’immeubles existants pour les mettre à niveau, surtout ceux qui sont déjà occupés. Deuxièmement, comment s’assurer qu’un immeuble sera non seulement efficace, mais aussi qu’il sera exploité adéquatement pour sa durée de vie et que les résultats bénéfiques seront partagés équitablement. Dans les deux cas, la réponse est une plus grande collaboration entre occupants et propriétaires.
Un bon élan
La récente pandémie a fait croître le niveau de communication et de collaboration entre les propriétaires d’immeubles et les occupants puisqu’ils étaient forcés de se concerter pour gérer les restrictions qui s’intensifiaient et la fermeture obligatoire des installations. L’idée d’un tel effort collectif est nécessaire pour s’attaquer à la crise climatique. Un « esprit de communauté » pourrait aider à passer à travers une urgence de courte durée, mais cela ne suffit pas pour consolider des relations à long terme impliquant l’attribution de coûts, d’actions et d’incitatifs. La base d’une telle relation de collaboration doit être intégrée dans le bail.
Les « baux verts » ou clauses vertes sont utilisés dans une certaine mesure depuis près de vingt ans dans des marchés comme l’Australie et le Royaume-Uni. Leur adoption plus large est relativement lente, reflétant le manque de dynamisme derrière les actions gouvernementales pour renforcer les progrès sur la rénovation et les rapports. Nous croyons cependant que cela va changer dans de nombreuses villes où les forces du marché et les règlements gouvernementaux se combinent pour stimuler l’évolution.
Du côté gouvernemental, le resserrement des codes du bâtiment et des normes de performance énergétique comme celles qui seront introduites aux États-Unis et au Royaume-Uni sur les 5 à 7 prochaines années accélèrera le rythme des rénovations et de la promotion de la carboneutralité des nouveaux immeubles. Au Royaume-Uni, les propriétaires d’immeubles ayant un certificat de performance énergétique en-deçà de la catégorie B ne pourront accorder un nouveau bail après 2030. En plus du resserrement des normes pour immeubles existants, le Royaume-Uni et le Canada imposent des limites pour les émissions de carbone dans les nouveaux immeubles. La plus récente version du Code national de l’énergie pour les bâtiments (CNEB) du Canada a introduit une cible minimum d’efficacité énergétique pour les nouveaux immeubles selon 4 niveaux de progression.6 Il est urgent que les bailleurs comprennent, planifient et, dans bien des cas, entreprennent des travaux de mise à niveau requis dans la plupart des immeubles existants et qu’ils conçoivent de nouveaux immeubles selon les normes accrues d’efficacité
Dans certains endroits, la réglementation exigera de façon explicite une meilleure collaboration pour améliorer la performance des immeubles. La loi 97 de New York, intégrée à la loi municipale de 2019 sur la mobilisation pour le climat, exige des propriétaires d’immeubles commerciaux qu’ils soumettent un rapport annuel des émissions de l’immeuble et leur impose des amendes élevées s’ils dépassent les limites permises.7 Puisque l’immeuble entier figure dans ce rapport, les données incluront les émissions des locataires. Ceux-ci pourraient être tenus responsables de leur part, parfois jusqu’à 90 %8, de toute émission dans leur contrôle qui dépasse les limites. La grosse pomme n’est pas seule. San Francisco donne maintenant des amendes pour les immeubles qui dépassent les normes d’émissions de GES, et ce, depuis la fin de 2022. Washington, D.C. devrait faire de même à compter de 20269 et au total, plus de 30 municipalités américaines sont en train d’établir des normes de réduction des GES et de consommation énergétique pour l’immobilier commercial. Parmi ces municipalités, on compte de grandes villes comme Atlanta, Denver, Chicago, Los Angeles, Miami et Houston.10
Les puissances des marchés et la règlementation par les gouvernements entraînent le changement.
Le conseil américain des titres et échanges (SEC) est aussi sur le point d’amender les règles afin que les entreprises publiques exigent la divulgation des risques envers le climat et les émissions de carbone.11 Les règles proposées par la SEC feraient en sorte que les entreprises soient tenues de divulguer les émissions de type 1 et 2 issues de l’exploitation directe et de l’utilisation d’énergie.12 Cela obligerait les propriétaires et occupants à collecter et vérifier des données exactes sur ce qu’il se passe dans leurs immeubles. Cependant, il manque une grosse pièce du casse-tête : l’accès à des données de qualité et fiables. Alors que les technologies et les plateformes d’intelligence artificielle font des avancées, le début d’un changement radical de la transparence et du partage de données sur la performance des immeubles est un résultat possible pour les entreprises qui auront besoin de se conformer à compter de 2025. Par ailleurs, les occupants qui soupèsent le risque envers leur réputation et les coûts d’exploitation de leurs émissions et leur consommation énergétique devront collaborer avec les propriétaires et gestionnaires pour collecter des données, voir au fonctionnement le plus efficace possible de l’immeuble et, le cas échéant, entreprendre des travaux dans l’immeuble pour améliorer sa performance.
Fait important à noter, ces approches aux États-Unis se concentrent sur les émissions réelles des opérations, un composant essentiel de la carboneutralité et un moteur de la demande croissante pour les initiatives de vérification de performance. Le système australien basé sur la performance, NABERS13, gagne en popularité au Royaume-Uni14 pour aider les organismes à suivre et établir les objectifs pour l’énergie et l’eau d’immeubles en cours d’utilisation. Le résultat est que les propriétaires d’immeubles qui ont le plus à gagner sont ceux qui peuvent collaborer avec les occupants pour atteindre ces cibles, un partage équitable des coûts et avantages, démontré par des données fiables et vérifiables pour refléter des améliorations réelles de la performance.
Les occupants devront collaborer avec les propriétaires et gestionnaires d’immeubles.
Les baux verts prennent du sérieux
Les propriétaires et occupants chercheront davantage à avoir leurs droits et obligations respectifs intégrés dans les ententes de bail afin de clarifier la séparation des avantages issus des améliorations importantes et déterminer la partie responsable du financement et de l’atteinte des objectifs d’efficacité. L’utilisation de clauses vertes au bail gagne déjà en popularité15, mais nous croyons qu’elle va s’accélérer de façon draconienne. Il est temps pour les clauses de bail vertes de se généraliser, mais quelles clauses sont typiquement couvertes dans un contrat ayant force obligatoire ? Cela fait maintenant plus de dix ans que le Better Buildings Partnership a publié sa trousse de baux verts, et le BBP doit mettre à jour cette trousse ce printemps, un signe que le guide demeure pertinent pour ceux qui veulent savoir comment mieux intégrer les questions importantes dans les conditions de baux commerciaux.16 Il établit les bonnes pratiques et des gabarits de clauses de bail vertes couvrant une panoplie de sujets comme les coops, l’énergie, l’eau et la gestion des déchets. Impérativement, la trousse de baux verts aborde les ententes de principe pour évaluer l’impact environnemental de toutes sortes de travaux et les conditions de réintégration où les bailleurs pourraient choisir de renoncer aux exigences de réintégration d’un occupant à la fin du bail si les changements du locataire améliorent la performance environnementale de l’immeuble.
Ce dernier point pourrait devenir un sujet chaud aux États-Unis, où les subventions et les crédits d’impôt proposés par le gouvernement pour les améliorations d’immeubles liées à la durabilité pourraient être disponibles pour le propriétaire ou l’occupant, selon la partie qui exécute les travaux. La loi sur la réduction de l’inflation, du gouvernement Biden, a présenté la déduction d’impôts 179D pour l’efficacité énergétique des immeubles commerciaux, un incitatif qui vise à faire augmenter l’installation de systèmes efficaces en énergie en immobilier commercial. Les propriétaires et locataires d’immeubles neufs ou existants peuvent réclamer jusqu’à 1,88 $US par pied carré de construction s’ils installent des systèmes qui réduisent l’utilisation sous un seuil prédéterminé.17 La possibilité de bénéficiaires conjoints de cette déduction pourrait faire accélérer la prolifération de clauses de bail sur l’installation de systèmes écoénergétiques, vu que la déduction d’impôt est octroyée au « propriétaire » du système de réduction de la consommation d’énergie.18
Nous voyons déjà des baux qui renferment des clauses novatrices.
Nous voyons déjà des baux qui renferment des clauses novatrices, comme des limites sur les compensations passées dans les frais de service. Nous pourrions même voir des ententes de niveau de service liées à la performance comme on en voit dans l’industrie des centres de données, surtout pour les immeubles sélectionnés par les occupants pour leurs prétentions de carboneutralité. Pour les immeubles existants en transition, nous pourrions voir des clauses de suspension d’indemnisation de la part des occupants, présentées si les bailleurs échouent à atteindre la voie de la carboneutralité pour la date convenue.
Encourager le progrès au lieu de prévenir les conflits
Pour ce qui est des baux verts, l’innovation sera un gage de succès. La prolifération des clauses de bail vertes pourrait mener au développement de stratégies créatives comme des pénalités dans les baux pour une performance nulle vis à vis la carboneutralité à l’échéance prévue, ou une structure d’entente de niveau de service qui reflète celles utilisées dans les baux des centres de données. Cependant, les baux verts ne préviendront pas les conflits là où il y a des points de vue divergents et lorsque les intérêts ne sont pas alignés. Comme l’indique le tableau ci-dessous, il y a des zones où des ententes entre les bailleurs et les locataires pourraient être atteintes plutôt facilement, mais d’autres demeurent litigieuses.
CLAUSES DE BAIL VERTES COTÉES SELON LE NIVEAU DE LITIGE
Litigeuses
- Le client se conforme aux critères de base pour la performance énergétique
- Qui a la responsabilité d’entreprendre les travaux d’amélioration
- Qui financera les travaux obligatoires
- Accès pour entreprendre les travaux d’amélioration et comment limiter les dérangements
- Utilisation par le locataire de sources durables et conformité aux politiques du bailleur
Possiblement litigeuses
- Partage des données de performance pour les lieux loués et l’immeuble
- Droit du bailleur d’entrer dans les lieux loués pour installer, maintenir et réparer l’équipement de comptage
- Le bailleur/locataire doit fournir l’énergie renouvelable
Non-litigeuses
- Exécution de vérifications périodiques de la performance écologique de l’immeuble
- Qui doit assister aux forums sur la durabilité (pour vérifier la performance environnementale) avec le bailleur et les autres locataires
La mise à niveau des immeubles et leur exploitation efficace auront des coûts réels, et il reste à savoir qui devrait assumer ces coûts et où les avantages devraient s’intensifier. De tels questionnements deviendront plus complexes lorsque la discussion s’étendra à la comptabilisation complète du carbone, y compris le carbone intrinsèque dans la structure de l’immeuble et dans les matériaux plutôt que seulement l’énergie et les émissions liées à leur utilisation. Mais une réflexion sur les clauses vertes dans les baux aide à promouvoir la discussion et la collaboration pour comprendre où l’on peut faire mieux et quels sont les avantages partagés. Elle permet aussi de s’assurer que les ententes soient enchâssées dans des contrats exécutoires. Alors que les propriétaires les et occupants cherchent à aller de l’avant pour décarboner l’immobilier, les clauses vertes vont trouver un nouveau souffle.
1 https://www.mckinsey.com/industries/real-estate/our-insights/climate-risk-and-the-opportunity-for-real-estate
2 https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2021/04/22/fact-sheet-president-biden-sets-2030-greenhouse-gas-pollution-reduction-target-aimed-at-creating-good-paying-union-jobs-and-securing-u-s-leadership-o https://www.reuters.com/business/environment/canadas-releases-emissions-reduction-plan-mapping-out-path-2030-climate-targets-2022-03-29/n-clean-energy-technologies/
3 https://www.reuters.com/business/environment/canadas-releases-emissions-reduction-plan-mapping-out-path-2030-climate-targets-2022-03-29/
4 https://www.ft.com/content/995973f4-05a0-4964-8c18-d5c88d1a91d5?s=03
5 https://www.morganlewis.com/pubs/2022/06/esg-in-the-credit-agreement-a-closer-look-at-sustainability-linked-loan-mechanics-reuters
6 https://www.nrcan.gc.ca/energy-efficiency/buildings/new-buildings/canadas-national-energy-code/20675
7 https://www.nyc.gov/site/sustainablebuildings/ll97/local-law-97.page
8 https://www.ukgbc.org/news/headline-how-will-green-leases-deliver-a-more-sustainable-future/
9 https://localtoday.news/ca/five-us-cities-target-energy-use-and-emissions-from-buildings-with-fines-150836.html
10 https://www.cfodive.com/news/five-us-cities-target-building-energy-use-emissions-fines/637538/
11 https://www.sec.gov/rules/proposed/2022/33-11042.pdf
12 https://www.mckinsey.com/capabilities/strategy-and-corporate-finance/our-insights/understanding-the-secs-proposed-climate-risk-disclosure-rule[1] 13 13https://www.nabers.gov.au/about/what-nabers
14 https://bregroup.com/products/nabers-uk/nabers-uk-about/
15 https://www.imt.org/news/record-breaking-year-for-green-leasing-in-commercial-buildings/
16 https://www.betterbuildingspartnership.co.uk/sites/default/files/media/attachment/bbp-gltk-2013_0.pdf
17 https://www.energy.gov/eere/buildings/179d-commercial-buildings-energy-efficiency-tax-deduction
18 https://www.mossadams.com/articles/2022/04/combatting-climate-change-in-real-estate
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