Les répercussions immobilières de la COVID-19

20 mars 2020

Le secteur de l’immobilier est souvent décrit comme une économie en boîte, c’est-à-dire que tout ce qui influe sur le taux de croissance économique global aura une incidence sur le marché immobilier du point de vue de l’emploi et de l’investissement. L’incidence probable sur les marchés varie considérablement d’un secteur à l’autre, et il existe une différence entre les effets à court terme prévus et les incidences potentielles à long terme.

À l’heure actuelle, il demeure impossible de quantifier avec certitude l’incidence probable sur le marché immobilier. Les comparaisons avec la crise financière de 2007-2008 ne sont pas nécessairement adéquates, car les banques centrales déploient de grands efforts pour éviter la répétition de l’effondrement du crédit qui a caractérisé la dernière récession. Néanmoins, la vitesse à laquelle le marché s’est adapté aux événements survenus il y a dix ans peut représenter un « scénario baissier » qui permet d’évaluer quels seront les résultats potentiels pour le marché immobilier.


  • Dans l’ensemble, les fluctuations des marchés boursiers fournissent une première indication de l’ampleur prévue et de la relativité des répercussions. Jusqu’à présent, les secteurs comme l’immobilier, qui seront certainement touchés par le ralentissement de l’activité économique ou par les perturbations causées par le laisser-faire de certains ne sont pas encore considérés comme des secteurs à risque. En date du13 mars, au Royaume-Uni, l’indice FTSE 350 REIT avait chuté de 24 % depuis le début de la crise, comparativement à une baisse de 29 % enregistrée par l’indice FTSE 350 dans son ensemble. Pour la même période aux États-Unis, l’indice global S&P 500 avait chuté de 26 %, soit un peu plus que la baisse de 25 % de l’indice Office REIT (bien que les indices Retail et Industrial REIT aient connu une baisse d’environ 30 %). Règle générale, les actions du secteur de l’immobilier se sont mieux comportées que celles des secteurs de l’hôtellerie, des loisirs et des services financiers.

  • Les secteurs du voyage, de l’hébergement et des loisirs sont particulièrement touchés en raison de l’incidence immédiate sur la demande et l’activité des entreprises. Le secteur hôtelier est particulièrement vulnérable à la baisse du tourisme, lequel s’est largement effondré, ainsi qu’aux mesures visant à limiter les rassemblements publics pendant les congrès et les événements sportifs, qui sont maintenant pratiquement tous annulés ou reportés. Les opérations immobilières dans ces secteurs (location et investissement) devraient diminuer considérablement, du moins pendant la durée de la crise actuelle et possiblement plus longtemps.

  • La COVID-19 exacerbera les enjeux auxquels est confronté le secteur du commerce de détail. Le secteur de la consommation pourrait être touché en temps quasi-réel. Dans les marchés développés, les dépenses de consommation représentent généralement environ le tiers de l’ensemble de l’activité économique, et jusqu’à la moitié de cette part est « discrétionnaire ». Les consommateurs vont probablement reporter ou renoncer à une partie importante de ces dépenses en raison de la maladie, de l’isolation ou de l’incertitude.

  • La vente au détail de produits en magasin souffrira, et certains des secteurs les plus florissants du marché seront ceux qui seront les plus atteints. Les commerces de détail liés au tourisme, les restaurants, les bars, les lieux de divertissement, les grands supermarchés, les grands centres urbains et les grands centres commerciaux seront visés par des restrictions de circulation volontaires ou obligatoires, car les gens évitent les lieux qui présentent un risque élevé de transmission. En revanche, les détaillants en ligne et les petits magasins des grandes rues principales pourraient profiter de la situation en termes relatifs ou absolus. Une partie de la croissance des achats en ligne deviendra permanente, ce qui accélérera l’incidence du commerce de détail sur le marché physique. Dans de nombreux pays, les achats des ménages qui font des provisions (ou qui achètent en panique) vont stimuler les ventes du premier trimestre dans le secteur alimentaire.

  • Les occupants se préoccuperont essentiellement des flux de trésorerie, en particulier ceux qui subiront une perte importante de revenus en raison de la distanciation sociale et des restrictions sur les déplacements. Les propriétaires doivent s’attendre à recevoir des demandes de report ou de réduction de loyer; de plus, il est certain que les niveaux de frais exigés dans des bâtiments qui doivent être maintenus sûrs et opérationnels, mais que les locataires ne peuvent pas occuper, seront contestés. La réponse des propriétaires à ces demandes dépendra en partie du libellé du bail concerné, mais, aussi, dans la plupart des cas, elle relèvera du bon jugement et de la légalité.

  • Dans la plupart des secteurs et marchés, les activités de location diminueront en volume par rapport aux attentes avant la crise. Alors que certaines opérations ne subiront aucune conséquence, nombre des transactions actuellement à l’étude risquent d’être retardées (mais ne sont pas encore annulées) car les occupants préfèrent « attendre et voir ». Cette interruption des activités devrait s’avérer temporaire et nous nous attendons à une reprise des activités à la fin de 2020 et au début de 2021. Toutefois, un sentiment d’incertitude accru quant aux perspectives économiques et commerciales entraînera l’annulation de certaines opérations. Peu de nouvelles transactions seront mises en œuvre et certains projets d’expansion seront mis en suspens. Chose certaine, l’ampleur de ce ralentissement sera très variable selon les marchés et dépendra des répercussions économiques de la maladie.

  • Il est impossible de quantifier les répercussions possibles sur les loyers tant que nous n’aurons pas une vision plus nette de l’incidence économique sous-jacente de la crise actuelle. Nous prévoyons que les perturbations seront graves, mais temporaires et que l’activité reviendra à la « normale » plus rapidement que lors des précédentes récessions, mais nous nous attendons à ce que l’incidence sur les loyers soit également de courte durée, à moins que la récession n’ait causé des dommages structurels à certains secteurs de la demande.

  • Les perturbations pour les chaînes d’approvisionnement auront des répercussions sur les secteurs industriels et celui de l’entreposage. Les prix des U.S. Industrial REIT ont été les plus touchés dans le secteur de l’immobilier de l’indice S&P 500, et les perspectives relatives à la demande sont généralement moins élevées dans la plupart des marchés et des segments. Cependant, le réaménagement de la chaîne d’approvisionnement et un glissement vers les fournisseurs régionaux ou locaux pourraient, au bout du compte, stimuler la demande pour des locaux d’entreposage et de production dans certains marchés.

  • Dans le secteur des bureaux, le télétravail a déjà fortement augmenté. Le secteur des services aux entreprises, qui représente 10 à 12 % de l’économie du Royaume-Uni et des États-Unis, devrait amorcer un virage expérimental mondial sans précédent axé sur des schémas de travail flexible. Il reste encore à mesurer quelle sera l’incidence de cette nouvelle tendance sur la productivité et la production, mais il est certain qu’elle accélérera l’adoption de nouvelles technologies et de pratiques de travail flexibles. À court terme, la distanciation sociale pourrait servir de simulation de crise pour de nombreux exploitants de bureaux collaboratifs et flexibles, car les clients ayant opté pour un contrat de courte durée choisiront de travailler à domicile pendant une période de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois.

  • Certaines transactions sur les marchés des capitaux seront retardées ou compromises en raison de contraintes pratiques en matière d’exécution (comme les restrictions de voyage ayant une incidence sur la vérification diligente sur place) ou de préoccupations concernant la perspective économique et la demande des occupants. Les volumes de transactions devraient diminuer, probablement de manière assez importante; si les totaux du premier trimestre seront peut-être moins affectés, le deuxième trimestre subira l’incidence des retards dans l’exécution et le troisième trimestre sera également touché, car le nombre de nouvelles transactions sera à peu près inexistant. Les transactions générant un « revenu à long terme » qui sont moins sensibles aux fluctuations à court terme font l’objet d’une forte demande et elles seront moins touchées que les opérations à risque plus élevé nécessitant une gestion plus active et un repositionnement des actifs pour stimuler les taux internes de rendement.

  • Il semble probable que l’ampleur des politiques de confinement mises en œuvre aura une incidence importante sur les volumes d’opérations d’investissement pour 2020. L’ampleur du choc dépend de trois facteurs qui sont extrêmement difficiles à prévoir. D’abord, avec quelle efficacité les investisseurs qui souhaitent effectuer des opérations peuvent-ils faire face aux perturbations actuelles? Ensuite, la capacité des gouvernements à gérer la confiance du public et des entreprises afin de minimiser l’incidence sur la confiance du marché est-elle adéquate? Et finalement, comment les gouvernements et les banques centrales peuvent-ils limiter les dommages pour l’économie et empêcher la contagion dans le système financier, ce qui aurait une incidence importante sur l’établissement des prix et la demande en immobilier chez les investisseurs?

  • Il est difficile d’évaluer l’ampleur probable de l’incidence sur les transactions immobilières. À la suite de l’effondrement de Lehman Brothers à la fin de 2008, les volumes d’investissements à l’échelle mondiale ont reculé généralement de 60 % à 70 % au cours des quatre trimestres suivants par rapport à l’exercice précédent. Dans le contexte actuel, nous ne prévoyons pas que l’incidence soit aussi prononcée ou prolongée, mais une chute de 25 % à 50 % des volumes d’opérations pendant un ou deux trimestres sur les marchés les plus gravement touchés ne saurait être exclue.

  • Comme dans l’ensemble de l’économie, toute hésitation préconisant l’attente dans l’exécution des transactions en cours ou la mise en œuvre de nouvelles opérations sera partiellement contrebalancée par un effet de « reprise » lorsque l’incertitude s’effacera. Il convient de noter que la demande en placements immobiliers demeure généralement élevée et que plusieurs sources de capitaux actives sont présentes sur le marché. Toute réduction des taux d’intérêt et des rendements obligataires favorisera également l’injection de capitaux dans le secteur immobilier. En conséquence, nous prévoyons une reprise importante des activités vers la fin de 2020 et en 2021.

  • Si la valeur des biens immobiliers recule moins fortement que le cours des actions, cela donnera lieu à une nouvelle pondération efficace des portefeuilles à multiples catégories d’actifs. Jusqu’à ce que les cours des actions se redressent ou que les investisseurs rajustent leurs pondérations cibles, cet « effet dénominateur » aura tendance à réduire la demande institutionnelle pour les biens immobiliers.

  • Les marchés résidentiels accuseront probablement un ralentissement marqué des transactions. Les acheteurs potentiels auront du mal à organiser des visites des lieux, et les vendeurs hésiteront à mettre un produit sur un marché difficile; par ailleurs, les aspects pratiques de l’exécution des contrats seront plus ardus. Le marché ralentira donc fortement, du moins à court terme – la rapidité de son rétablissement dépendra entièrement de la gravité et de la persistance du ralentissement économique.

  • Sur les marchés des titres de créance, la baisse des taux d’intérêt stimulera les emprunts immobiliers, mais il pourrait y avoir une certaine redistribution de l’activité. Les prêteurs asiatiques ont été très actifs sur le marché, mais on pourrait s’attendre à ce qu’ils soient plus hésitants dans le contexte actuel.

  • Dans le marché de la promotion immobilière, il reste encore à voir si la hausse des prix des produits de base aura une incidence sur les activités de construction. Les coûts de construction sont déjà élevés aux États-Unis et au Royaume-Uni, où la pénurie de main-d’œuvre liée au Brexit constitue une autre menace, de sorte que les marges bénéficiaires dans le secteur sont réduites. Les interruptions dans l’approvisionnement des matières premières chinoises pourrait faire en sorte que les commandes de construction seront retardées ou reportées, en particulier si les solutions de rechange locales s’avèrent plus coûteuses.

  • Du point de vue de l’évaluation, nous prévoyons que toute incidence sera relativement courte, mais, comme c’est le cas pour nombre d’autres aspects de la crise actuelle, cette prévision est fondée sur notre hypothèse selon laquelle nous ferons face à une récession mondiale, qui n’aura cependant pas l’ampleur de celle de 2008. À des fins de comparaison, la valeur des bureaux à Londres a chuté de 50 % à 70 % au cours de la crise financière et de 15 % à 20 % au cours du trimestre suivant l’effondrement de Lehman Brothers. Bien que ces glissements soient largement supérieurs à ce qui est prévu cette année, ils mettent en évidence l’ampleur potentielle de l’incidence de la crise à court terme qui pourrait se concrétiser lorsque la confiance s’effondre dans un marché à prix élevé. Néanmoins, nous tenons à souligner qu’après une courte période de baisses intenses, la valeur des propriétés de bonne qualité s’est rapidement redressée en 2009, les investisseurs ayant rapidement repris leur activité sur le marché une fois que le sentiment immédiat de crise s’est éteint.

  • Une incidence plus importante et plus longue ne se concrétisera que si la crise s’aggravait au-delà de ce qui est actuellement envisagé, surtout en raison du fait que les entreprises « en bonne santé » seraient mises en péril par des faillites d’entreprises dans d’autres secteurs de l’économie, ce qui pourrait entraîner un ralentissement qui évoluerait en une récession plus grave, voire en une autre crise financière.

  • La crise de la COVID-19 met en lumière la fragilité de certaines chaînes d’approvisionnement mondialisées, ce qui favorisera l’accélération des tendances vers la démondialisation qui se manifestent déjà dans certains secteurs d’activité. Avison Young a d’ailleurs formulé une opinion à ce sujet dans son rapport de Prévisions 2020.

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