Le PIB se concentre sur la croissance totale atteinte au lieu de regarder la qualité de cette croissance.

Le produit intérieur brut ou « PIB » représente la somme de la valeur des biens et services produits dans un pays au cours d’une période donnée. Alors que le PIB est reconnu comme le portrait statistique le plus important de l'histoire moderne121, pour quelle raison est-ce qu'un gagnant du prix Nobel d’économie demande son abolition?


L’utilisation du PIB comme critère de croissance économique est tellement universellement acceptée qu’il est étrange de penser que ce concept a été inventé il y a moins d’un siècle122. Cette mesure a fait son apparition alors que l'Amérique luttait pour se sortir de la Grande Dépression des années 1930. À cette époque, la valeur totale de l'activité économique était un bon critère d'évaluation et servait à diriger les politiques du gouvernement. La relation entre la croissance économique et les niveaux de vie était assez étroite pour que les deux semblent intégralement liés.

Ce lien est devenu si ancré dans nos esprits que le simple fait de questionner son efficacité semble absurde. C'est pourtant ce que Joseph Stiglitz et bien d’autres économistes et de grands penseurs font présentement123. Le principal problème avec le PIB est qu’il se concentre sur la croissance totale atteinte au lieu de regarder la qualité de cette croissance, et ne tient pas compte du coût humain ou environnemental pour l’atteindre124. Sous cet angle, la croissance en elle-même n’est pas durable. Comme Simon Kuznets ajoute sur les statistiques qu’il a lui-même créé : « il faut daire la distinction entre la quantité et la qualité de la croissance, entre ses coûts et ses rendements, puis entre le court et le long terme. Les objectifs d’une croissance plus forte doivent spécifier le type de croissance, et sa raison d'être. »

La croissance économique, propulsée par la mondialisation et la technologie, a été très avantageuse pour plusieurs parties du monde au cours des 30 dernières années. Mais dans plusieurs pays, elle a aussi entraîné une augmentation prononcée dans l’inégalité. Cette inégalité a été mise en évidence par la pandémie, qui touche de manière disproportionnée les plus vulnérables de la société. Les travailleurs à faible revenu et les minorités sont ceux qui ont le plus souffert du point de vue financier et de la santé, générant des implications économiques et sociales125 auxquelles les banques centrales portent une grande attention126. Il est particulièrement préoccupant de voir qu’il se dessine de plus en plus clairement une reprise économique en forme de « K » 127, où certains aspects de l’économie et de la société récupèrent beaucoup plus rapidement que d'autres. Les travailleurs qualifiés, dont les revenus sont supérieurs, œuvrant dans les industries fondées sur les connaissances s'en sont mieux tirés pendant la crise et, dans les circonstances actuelles, continueront à se redresser.

De telles préoccupations font surface à un moment où les gouvernements du monde entier investissent des billions de dollars pour soutenir leur économie pour la deuxième fois en à peine une décennie. Il est tout à fait légitime de s'assurer de la reprise de la croissance économique, mais plusieurs demandent aux gouvernements de mieux reconstruire128, le revenu de base universel étant un sujet129 de discussion politique et économique130 important. Alors que tant d'’entreprises basent leurs résultats sur les gens, sur la planète et sur le profit, notamment par le biais de leurs politiques environnementales, sociales et de gouvernance d'entreprise (ESG), il y a une harmonisation émergente entre les ambitions des gouvernements et des entreprises sur la nécessité de changer notre façon de concevoir le succès.

Qu'importe-t-il des statistiques que nous utilisons? Si nous ne regardons plus le PIB, que devrions-nous utiliser? Peter Drucker explique que si une mesure n'est pas quantifiable, il est impossible de l'améliorer, appuyant le développement de paramètres reflétant davantage notre progrès, en s’attaquant aux enjeux collectifs et environnementaux ainsi que ceux touchant à l’économie. L’Indice du développement inclusif (IDI) du Forum économique mondial131 est l’une des mesures alternatives les plus intéressantes132. Selon l'IDI, le PIB et la croissance de l'emploi se mesurent en lien avec les mesures d’inclusivité, d’égalité et de viabilité. Les pays scandinaves obtiennent de très bons résultats, alors que leurs recherches classent explicitement les pays et les villes par indice de «bien-être»133. Ce faisant, la Suède a obtenu énormément de succès dans sa lutte contre l’inégalité des revenus suite aux crises antérieures134.

Il est peut-être temps de changer nos critères de réussite.

Développement et croissance inclusifs

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Il est peut-être temps de changer les mesures fondamentales auxquelles nous avons recours pour évaluer la performance des gouvernements, tout en considérant les implications pour l’immobilier. Si le succès des gouvernements tenait mieux compte du progrès, comme le fait l’Indice du développement inclusif, les politiques nationales seraient mieux ciblées et seraient appliquées différemment. Il n'est pas question d'exclure la croissance économique de l'équation, mais plutôt d'investir directement dans des sphères qui avantageraient la société en plus de stimuler l’économie135, tout en incitant les autres à faire la même chose. Comme Larry Fink l'explique, il faudrait prévoir une « importante réaffectation du capital » en réponse aux changements climatiques136. Un changement complet de ces mesures aurait une incidence similaire, bénéficiant les zones urbaines ayant le plus besoin de régénération, au même titre que les plus vulnérables de la société qui résident généralement en ces zones.

En soi, changer notre façon de mesurer le succès ne fera pas une grande différence, mais constituerait un bon point de départ. Après tout, comme Joseph Stiglitz le conclut, «en mesurant la mauvaise chose, on ne peut pas faire la bonne chose »137.

Pour obtenir plus d'informations et de conseils

Notes de bas de page

121. Philipp Lepinies, The Power of a Single Number: A Political History of GDP 2016: https://www.jstor.org/stable/10.7312/lepe17510 122. https://foreignpolicy.com/2011/01/03/gdp-a-brief-history/ 123. https://ec.europa.eu/environment/beyond_gdp/key_quotes_en.html 124. https://www.fidelity.co.uk/markets-insights/daily-insight/what-gdp-doesnt-tell-us/ 125. https://www.frbsf.org/economic-research/files/wp2017-23.pdf 126. https://www.imf.org/en/Publications/WP/Issues/2020/09/25/Should-Inequality-Factor-into-Central-Banks-Decisions-49756 127. https://www.forbes.com/sites/chuckjones/2020/10/24/three-charts-show-a-k-shaped-recovery/ 128. https://www.buildbackbetter.org.uk/

129. https://www.nationalgeographic.co.uk/history-and-civilisation/2020/05/universal-basic-income-is-gathering-support-has-it-ever-worked-and 130. https://www.businessinsider.com/spain-to-approve-basic-income-scheme-response-coroanvirus-outbreak-2020-5?r=US&IR=T 131. https://www.weforum.org/reports/the-inclusive-development-index-2018 132. See also the OECD’s Better Life Index: http://www.oecdbetterlifeindex.org/#/11111111111 133. https://worldhappiness.report/ed/2020/social-environments-for-world-happiness/ 134. https://voxeu.org/article/economic-inequality-during-recessions 135. https://www.imf.org/en/Publications/WP/Issues/2020/09/25/Should-Inequality-Factor-into-Central-Banks-Decisions-49756 136. https://www.blackrock.com/corporate/investor-relations/larry-fink-ceo-letter 137. https://www.fastcompany.com/90435788/a-nobel-winning-economist-says-its-time-to-kill-the-gdp

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